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Detective Trask: Episode 8- Dans la gueule du loup

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christianross75's avatar
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Détective Trask – Épisode 8 – Dans la gueule du loup

Trask roulait sur l'autoroute sans but. Son cerveau bouillait comme si une réaction chimique s'y était produite. Un changement s'opérait en lui. De professionnel intègre et respectueux des lois, Trask était maintenant prêt à tout pour connaître la vérité. Il ne faisait plus confiance aux autorités. Il n'avait que lui pour régler cette affaire. Il ne savait pas par où commencer. C'est là qu'il pensa à ce mystérieux « R ». La personne qui avait mis Mme Castonguay sur son chemin. De quel côté était-il? Était-il au courant de ce qui était arrivé à Mme Castonguay? Pouvait-il aider Trask dans sa quête?
Trask en avait assez de ce mystère. Le seul indice qu'il avait sur lui était le numéro de plaque du livreur de la lettre. Habituellement, Trask aurait contacté les forces policières pour avoir les informations dont il avait besoin. Mais il ne pouvait plus faire confiance à celles-ci. Quelqu'un d'autre devait les contacter à sa place. Mais qui? Cela ne pouvait pas être n'importe qui. Les policiers ne donnent pas ces infos au premier venu et avec raison d'ailleurs. En roulant sur la route, la sortie Sainte-Rose lui rappela quelqu'un : Serge Vermeil. Serge était un vieux comparse d'études. Celui-ci avait d'abord été membre de la police quand il décida de quitter ce poste pour aller vers le privé. Ils avaient perdu contact avec les années, se voyant plutôt dans les rencontres annuelles de l'association des enquêteurs professionnels du Québec. Son bureau se trouvait au sous-sol de son cottage. Trask espérait fortement qu'il s'y trouverait.

Il était maintenant en face de sa maison. Il voyait son auto dans le stationnement. Il devait être là. Trask n'oubliait pas qu'il était probablement suivi. Même s'il ne voyait aucune voiture derrière lui, il se rappelait très bien que la même chose s'était passée avec Mme Castonguay. Aucun de ses six sens n'avait détecté quoi que ce soit. Il alla se garer cinq maisons plus loin. La plupart des gens travaillaient à cette heure de l'après-midi, Trask supposa qu'il pouvait feindre d'aller dans une cour autre que celle de Serge pour pouvoir enjamber les différentes clôtures du voisinage jusqu'à son but. Il lui sembla que personne ne l'avait repéré. Il était finalement rendu devant la porte du sous-sol de Vermeil. Il y cogna.

On prit du temps. Trask se dit que Vermeil était sorti finalement. Trask se prépara à partir, mais on ouvrit la porte : « Ah, merde, je pensais que c'était un client. » Malgré l'heure tardive de l'après-midi, Vermeil semblait tout juste sortir du lit. Cheveux ébouriffés, barbe grise vieille de trois jours, robe de chambre brune, pantoufle en phentex. Vermeil avait l'air de tout sinon d'un professionnel. Serge sortit de sa poche, un vieux paquet de Craven « A », et s'alluma ce qui semblait à Trask comme des cigarettes amérindiennes. Trask ressentit l'amertume de son vieil ami.

— Tu reçois tes clients comme cela?
— Je demande toujours qu'on m'appelle avant de venir.
— Je suis désolé de te déranger, mais c'est plutôt urgent.
— Vraiment? Tu m'intrigues… Rentre.

Vermeil invita Trask à s'assoir. Il alla se servir un café. Il le parfuma ensuite d'un peu de Bailey's. Vermeil se retourna vers Trask et lui dit :

— Scuse, t'en voulais-tu?
— Hmmm, non merci. Je tiens à garder l'esprit clair.
— Du café, ça tient l'esprit alerte pourtant.
— Le café peut-être, le Bailey's un peu moins.
— Le Bailey's c'est pour le goût.
— Peut-être… Sans façon.

Vermeil se rassit à son bureau.

— Toujours aussi droit à ce que je vois…
— J'essaie. Quoique les dernières circonstances risquent de m'amener vers des avenues plus risquées.
— Tu sais, dans notre profession, si on veut réussir, il faut être crosseur un petit peu. Je le sais que tu étais toujours en désaccord avec ce principe.
— Oui, mais je ne suis pas là pour débattre sur ce sujet.
— Justement, qu'est-ce qui t'arrive?
— C'est une histoire compliquée. Tout ce que je peux t'en dire, c'est que je ne peux plus faire confiance aux policiers.
— Et tu es venu voir un ancien policier… Je vois… (Il rit)
— Je dirais que je te fais plus confiance qu'à eux en ce moment.
— Je suis heureux de voir que tu t'ouvres les yeux à la réalité.
— Que veux-tu dire?
— Les policiers ne sont pas là pour te protéger. Ils sont là pour protéger le système. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai quitté les forces de police pour le privé.
— Avec ce qui m'est arrivé dans les dernières heures, je suis prêt à te croire.
— Et comment que j'ai raison! Regarde partout dans le monde. Si un policier avait le choix entre arrêter un banquier ou un manifestant, le choix se ferait facilement.
— Peut-être… Mes trêves de discussion politique. J'aurai besoin que tu contactes justement le service de police à ma place pour avoir une information sur une plaque d'immatriculation.
— Pourquoi je contacterais le service de police quand je peux aller voir moi-même?
— Tu as accès à la base de données de la police?
— Ça a quand même une utilité d'avoir été un ancien policier.
— Effectivement.

Trask lui donna le numéro de plaque. Serge entra les informations  dans la base nationale de données grâce à son accès piraté. La réponse ne se fit pas attendre :

— Steve O'Toole, il habiterait au 35 rue Richardson, appartement 5 à Pointe-Saint-Charles. Né le 18 janvier 1991, il a 21 ans. Il n'a pas de dossier criminel mis à part beaucoup d'excès de vitesse. Son numéro est le 514-832-6500.
— Excellent, merci beaucoup, je t'en dois une!
Vermeil parut sur le coup embarrassé. Trask lui demanda :
— Il y a quelque chose qui te gêne?
— En fait, j'aurai effectivement une faveur à te demander. C'est un peu embarrassant en effet.
— Vas-y, je t'écoute.
— Tu vois, les affaires sont lentes ces temps-ci et je suis plutôt serré. Pourrais-tu me passer un 200$? Je te le rem…
— Pas la peine, je te le donne. L'affaire dans laquelle je suis est très payante pour moi. Prends 300$ pour le dérangement.
— Je sais pas comment te remercier… Tu me sauves du trouble.
— Aucun problème. Un service en attire un autre. Laisse-moi sortir mon chéquier.

Trask lui fit le chèque et le donna ensuite à Vermeil. Une vision lui vint tout de suite en le touchant. Il voyait Vermeil en train de sacrer après une machine à sous. Trask comprenait d'où venaient ses soucis financiers. Il aurait voulu lui en glisser un mot, mais cela risquait de compromettre le secret de Trask. Comment Trask aurait-il pu savoir cela? Quand tout cela allait être réglé, il s'était fait promettre d'aider son ami. Il était temps pour Trask de partir. Vermeil l'escorta à la porte en lui disant : « N'hésite pas à revenir si t'as besoin d'autres choses. » Ils se saluèrent. Trask prit le même chemin. Soit celui des clôtures. Il reprit la voiture pour aller vers ce qu'il espérait être le début de la vérité.


Pointe-Saint-Charles, quartier de Montréal, était tel qu'il l'avait toujours été. C'est-à-dire le refuge des laissés pour contre de la société. Assistés sociaux éternels, sans-abris, gangs de rue étaient ce que constituait la faune de celle-ci. Les immeubles laissés presque à l'abandon faisaient pâle figure par rapport à son quartier voisin Westmount, riche et anglophone. Quelqu'un qui conduisait une voiture de l'année telle que Trask aurait pu sérieusement s'inquiéter de voyager dans un tel quartier. C'était pourtant le moindre de ses soucis en ce moment. Il n'avait qu'une chose à l'esprit. Retrouver cet homme à la lettre. Il était maintenant sur la rue Richardson. Elle était parsemée d'immeuble à logement à prix modiques. Ils étaient tous identiques. Gris, sales et usés. Les chiffres des adresses étaient difficiles à lire étant donné l'usure. Mais Trask s'arrêta vers ce qu'il croyait être le 35. Un vieux monsieur dans une chaise pliante buvait sa bière sur le terrain avant. Il ne semblait pas s'inquiéter qu'il fût interdit de boire de l'alcool à l'extérieur des édifices. Il ouvrit la porte vitrée pleine de marque et vit un escalier dont la peinture avait été probablement faite dans les années soixante.  L'immeuble devait avoir des murs très minces. On pouvait entendre les activités de tous ses habitants dans l'entrée principale.

Trask monta au premier étage. Il vit la porte du cinquième appartement. Trask cogna à la porte. On répondit en anglais : « Qui est-ce ? » Trask dit dans la même langue : « Je suis le gars à qui tu as laissé une lettre. » Trask entendit le cliquetis des serrures. La porte s'ouvrait. On ne pouvait voir que l'intérieur de l'appartement. La voix de l'homme se fit entendre en français cette fois; son accent était léger, mais faisait les erreurs de syntaxe typique des anglophones : « Rentre s'il vous plait. » « Je me attendais à vous voir plus tôt. » dit-il quand Trask fut à l'intérieur. L'homme devait aimer les dragons. Il y en avait partout. En bibelot, en toile, peinturé sur le mur; on ne pouvait regarder dans l'appartement sans en voir au moins un. Le jeune homme était en camisole et jeans noir. Il avait un « pinch » aussi brun que ses cheveux. Il portait au cou un pendentif en argent représentant une tête de loup. « Encore un pendentif? » se dit Trask. Steve lui présenta un fauteuil et lui dit de s'assoir. Trask s'exécutait et prit la parole :

— Si vous vous attendiez à me voir plus tôt, pourquoi ne pas avoir donné une adresse?
— Parce que le maître a demandé que ce soit comme ça.
— Le maître? Qui est-ce maître?
— Je peux pas dire maintenant. C'est le gars qui a écrit la lettre.
— Quand pourrais-je le rencontrer?
— Attends, je le contacte.

Steve prit son pendentif et ferma les yeux. Trask eut une crainte au début. Mais ne vit rien d'alarmant se passer. Steve rangea son pendentif et reprit la parole : « Maintenant. Reste assis, je dois chercher une chose. » Il partit pour une pièce qui ressemblait à une chambre à coucher. Quand il revint, il avait un bandeau noir dans les mains. Celui-ci avait des loups argentés tissés. Il dit à Trask :

— Mets ça sur tes yeux.
— Pourquoi?
— C'est les ordres. Tu le mets ou tu t'en vas.
— (Trask hésite) Puis-je prendre votre main?
— Tu peux, mais tu verras pas grand-chose. J'ai des pouvoirs aussi.

Trask sonda son esprit pour tout indice de danger. Il n'en voyait aucun. Il ne savait pas s'il pouvait se fier à cela, vu ce qui s'était passé auparavant. Voyant qu'il hésitait, Steve lui dit : « Écoute, si je voulais vous tuer, ça serait fait. » L'Anglais avait un point. Trask se dit qu'il n'avait plus rien à perdre. Il fit signe à Steve de lui mettre le bandeau. Quand ce fût fait, Trask eut une sensation étrange. Comme si son esprit était dans la brume. Il avait compris ce qui se passait. Ce bout de tissus bloquait ses pouvoirs. Il le sentait. Il entendit la voix de Steve. « Prends ma main. » Il lui obéit. Le bandeau avait probablement défait son sens de l'orientation, car il n'avait aucune idée par où il l'amenait. À un moment, il entendit une porte de voiture s'ouvrir et Steve le fit s'assoir sur un banc. Un bruit lourd d'un moteur modifié se fit entendre. Du heavy métal jouait à la radio. Il sentit que Steve roulait très vite. Vingt minutes plus tard, l'auto s'était arrêtée. La porte de Trask s'ouvrit et la main de Steve l'invita à se lever. Il pouvait entendre ce qu'il croyait être des hélices d'hélicoptère. En entendant ce bruit augmenté à mesure qu'ils marchaient, il savait qu'il se dirigeait dans cette direction. Il était maintenant à côté de celui-ci, car on n'entendait que ce bruit. Steve lui dit à l'oreille : « Watch bien la marche. » Trask était maintenant assis dans le véhicule et sentit celui-ci monter. « Où va-t-on? » se dit anxieusement Trask.
Trask vas-t-il découvrir le fameux « R » ?
© 2012 - 2024 christianross75
Comments2
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C-Allagash's avatar
J'adore le suspens... mais je dois admettre que je suis encore si fâchée avec ce que s'est passé avec Mme Castonguay que j'ai hâte pour vengeance!